Entreprises : le défi combiné de l'assurance et de l'énergie

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Hausse fulgurante des primes, volatilité énergétique, contrats résiliés sans préavis : les entreprises françaises subissent un choc silencieux mais profond sur leurs charges fixes. Un rapport sénatorial tire la sonnette d’alarme.
 

Dans un contexte économique encore incertain, deux postes de dépenses stratégiques se transforment en véritables goulets d’étranglement pour les entreprises françaises : les assurances et l’énergie. Ce double choc, souvent sous-estimé dans les débats publics, fragilise particulièrement les PME, les secteurs exposés aux risques climatiques ou cyber et les activités à faible marge. Le rapport du Sénat intitulé « Assurances et énergie : coup sur coût », publié en juin 2025, documente une spirale préoccupante.
 

Des primes d’assurance qui explosent
Côté assurances, la situation est critique. Certaines entreprises voient leurs primes multipliées par deux, voire trois, en à peine quatre ans, parfois sans sinistre déclaré. Les franchises explosent, rendant les indemnisations quasi-inutiles pour des sinistres courants. Pire : des résiliations unilatérales surviennent à quelques semaines de l’échéance, laissant les assurés sans couverture et dans l’impossibilité de souscrire ailleurs dans l’urgence. Les secteurs les plus touchés sont ceux exposés à des risques spécifiques : agroalimentaire, transport public, bois-ameublement, bâtiment, mais aussi défense.
 

Les causes sont multiples : la sinistralité croissante liée aux émeutes de 2024, aux inondations de 2023, à la cybercriminalité en hausse. Les réassureurs, eux-mêmes sous pression, ont réduit leurs capacités, renchérissant les couvertures primaires. Résultat : un marché devenu ultra-sélectif, où les entreprises doivent souvent batailler pour se faire assurer, parfois à des conditions prohibitives.
 

L’énergie, une charge instable et difficile à anticiper
Sur le front de l’énergie, la pression reste vive. Malgré un répit depuis la crise russo-ukrainienne, les prix restent volatils, notamment pour l’électricité. Le dispositif ARENH, qui permettait un accès régulé à l’électricité nucléaire, doit disparaître début 2026. Cette suppression inquiète les sénateurs, qui redoutent une nouvelle flambée tarifaire sur fond de tensions géopolitiques, de météo imprévisible et de dépendance partielle aux importations.
 

Pour anticiper ces risques, le rapport préconise de renégocier les contrats signés pendant les pics de marché en 2022-2023, souvent à des tarifs historiquement hauts. Il pousse aussi à développer des PPA (Power Purchase Agreements) pour sécuriser des prix fixes sur de l’électricité verte, ou encore à recourir à des contrats pour différence (CFD) pour stabiliser les prix du nucléaire à long terme. Mais ces instruments sont encore complexes à mettre en œuvre, surtout pour les petites structures.
 

Des solutions structurelles proposées
Face à cette double pression, le rapport sénatorial ne se contente pas de faire un état des lieux : il avance plusieurs pistes concrètes pour restaurer un minimum de prévisibilité. Sur les assurances, il recommande la création d’un observatoire des assurances professionnelles, un élargissement de la mutualisation des risques (notamment pour les PME), et l’obligation de proposer des contrats pluriannuels pour éviter les hausses brutales et imprévisibles.
 

En matière d’énergie, le rapport insiste sur la nécessité de soutenir les communautés énergétiques locales, capables de produire, stocker et consommer leur propre électricité. Il plaide également pour une meilleure information des entreprises sur les leviers de performance énergétique, encore trop peu utilisés par manque de moyens ou de lisibilité.
 

Un enjeu de compétitivité nationale
Ce double fardeau n’est pas qu’une affaire de gestion de charges. Il pèse directement sur la compétitivité, sur la pérennité des entreprises, et sur leur capacité à investir, notamment dans la transition écologique ou numérique. À long terme, si rien n’est fait, il pourrait creuser les inégalités entre grandes structures bien assurées et petites entreprises laissées seules face aux aléas du marché.
 

Le Sénat appelle à une prise de conscience collective : sans action rapide, ces deux postes de dépenses risquent de devenir les catalyseurs d’une désindustrialisation silencieuse.