L’IA affole les marchés, mais la macroéconomie, elle, reste étonnamment calme. Contrairement à la fin des années 1990, les signaux d’excès ne sont pas réunis. Pour UBS Wealth Management, parler de bulle serait prématuré : les bilans sont solides, l’épargne tient, et les investissements liés à l’IA n’ont pas encore basculé dans l’hypertrophie. Reste une question : jusqu’à quand cette stabilité peut-elle durer ?
Un marché porté par l’IA
L’analyse de Claudia Panseri, CIO chez UBS Wealth Management France, met d’emblée les choses au clair : l’environnement macroéconomique mondial ne présente aucune des caractéristiques qui précèdent habituellement une bulle. Le parallèle avec la période 1995-2000 est tentant, mais fragile. À cette époque, la montée en puissance d’Internet s’était accompagnée d’un cocktail explosif : explosion de l’endettement des entreprises, gonflement des déficits extérieurs, envolée des marges avant leur effondrement, et surtout un investissement non résidentiel qui avait pris un point de PIB en deux ans. Rien de tel aujourd’hui.
Le S&P 500 affiche certes des multiples de valorisation élevés, mais il est tiré par des entreprises qui financent leurs dépenses d’investissement par la trésorerie, rarement par la dette. Les marges bénéficiaires, autour de 13 %, restent proches des sommets de ces trente dernières années. Les ménages aisés – les véritables détenteurs d’actions – n’ont pas entamé une phase de désépargne massive. Quant à la balance courante américaine, elle ne se dégrade pas au rythme observé durant la bulle Internet.
Même sur les dépenses d’investissement, l’euphorie annoncée n’a pas encore eu lieu. Depuis le lancement de ChatGPT, la part des investissements non résidentiels dans la croissance américaine a à peine bougé, très loin du boom de la fin des années 1990. Autrement dit, l’IA attire, mais ne cannibalise pas encore le reste de l’économie.
Les vrais signaux d’une bulle
UBS identifie plusieurs marqueurs avancés permettant de détecter un passage d’un simple « boom » à une bulle spéculative. Aucun ne s’est déclenché à ce stade. On n’observe ni accélération prolongée des CAPEX technologiques, ni recul brutal de l’épargne des ménages les plus fortunés, ni basculement des bilans d’entreprises dans le rouge. La Réserve fédérale ne mène pas non plus une politique comparable à celle de la fin des années 1990, lorsque baisses de taux et croissance robuste avaient alimenté l’exubérance.
Reste la psychologie de marché, plus difficile à capter. Le rallye sur les valeurs IA est puissant et peut se prolonger, même en déconnexion avec les fondamentaux. UBS appelle donc à la prudence sans tomber dans le pessimisme préemptif. Pour les investisseurs sceptiques mais désireux de participer au mouvement, deux stratégies se distinguent : utiliser des produits structurés pour capter le potentiel de hausse tout en limitant les pertes, et conserver un portefeuille diversifié afin d’éviter une exposition disproportionnée à quelques mastodontes technologiques.
L’enjeu des prochains trimestres sera d’observer si l’investissement IA monte réellement en puissance, s’il détourne les ressources productives d’autres secteurs, et si les bilans commencent à se tendre. Pour l’heure, l’économie reste étonnamment équilibrée, ce qui rend cette phase d’euphorie plus saine que celle de l’ère des dotcoms. Mais la question demeure : le boom peut-il continuer sans jamais déraper ?


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